Trois questions à Marie Le Cuziat

"Un printemps" de Marie Le Cuziat est le journal intime d'une adolescente en plein deuil. Un roman puissant et bouleversant et juste. En plus d'être une autrice pleine de talent, Marie Le Cuziat a eu la gentillesse de répondre à trois de nos questions. 

Un printemps de Marie Le Cuziat

 

"Un printemps" parle d'une jeune fille de 13 ans qui vient de perdre sa grande sœur. 

C'est votre premier roman pour les plus grands, contrairement à ce que vous avez déjà publié pour les plus petits. Comment avez-vous appréhendé ce nouveau format et ce nouveau public ?

 

Marie Le Cuziat : "C’est mon premier roman publié pour les plus grands mais pas le premier écrit ! C’est vrai que j’ai publié dernièrement plusieurs albums illustrés pour les plus petits. C’est un travail exigeant, qui demande patience et humilité pour trouver les mots justes, ceux qui sont à hauteur d’enfant tout en leur permettant de s’évader. Ce travail d’écriture m’a appris à prendre le temps de laisser infuser mon texte en moi avant de commencer à l’écrire. Mais en réalité, j’ai commencé mon travail d’autrice il y a quelques années en écrivant des nouvelles pour adultes. Un printemps est mon premier roman pour adolescents publié, mais j’ai écrit plusieurs textes avant celui-ci qui s’adressaient à eux également.  

J’ai consacré beaucoup de temps à la préparation et à la documentation de ce roman : j’ai relu le journal de mes 13 ans, des dizaines de lettres, écrites ou reçues, pour retrouver le ton de cet âge-là, les sensations, l’atmosphère ; j’ai aussi regardé des documentaires, des films, écouté des podcasts… C’est peut-être aussi pour cela que le roman est dénué de repères temporels : il aurait pu se passer au temps de mon adolescence comme à celui des adolescents d’aujourd’hui. 

L’idée m’est venue de la relecture du livre de Romain Gary “La vie devant soi”. En lisant ce roman, j’ai eu comme une envie et une intuition profonde : je voulais m’essayer moi aussi à me mettre dans la peau d’un adolescent, qui regarde le monde des adultes d’un peu loin, tout en comprenant si bien ce qui se joue autour de lui. 

J’ai ensuite convoqué mes personnages avant de me lancer dans l’écriture, ils ont vécu quelques semaines à mes côtés avant de prendre vie sur mon ordinateur ! Le personnage de Charlotte par exemple, la meilleure amie d’Angèle, est chargée de nombreuses inspirations des personnes qui ont été importantes pour moi au moment de mon adolescence.  Je suis aussi entourée de lecteurs et lectrices (dont une de 13 ans, l’âge d’Angèle) qui ont accompagné les différentes étapes de l’écriture de ce roman. Je vérifie comme cela que mes intentions sont comprises, je réajuste ou approfondis certains passages. 

J’aime m’entourer d’avis, rectifier, corriger, reprendre en échangeant avec ceux qui m’entourent."

 

C'est une histoire douloureuse mais néanmoins lumineuse. Cela vous tenait-il à cœur d'aborder ce sujet à hauteur d'adolescente ? Quelle est la différence, dans votre expérience, entre écrire des histoires pour les jeunes enfants et écrire ce roman ? Avez-vous mis plus de "vous" dans le processus d'écriture ? 

 

Marie Le Cuziat : "Je ne crois pas. La sincérité de l’écriture est aussi importante pour moi dans les albums pour jeunes enfants que dans les textes pour adolescents. D’ailleurs, écrire un texte d’album, plus court, me prend parfois plus de temps que d’écrire un roman, contrairement à ce que l’on pourrait penser.

 

Écrire pour les ados, c’est avoir une responsabilité. Particulièrement quand on écrit des romans de type « vie d’ados », comme c’est le cas dans Un Printemps. En plus d’écrire et de décrire une forme de vérité et d’authenticité - ce que je recherche - l’auteur sait que son texte sera interprété, qu’il ouvrira des portes, qu’il pourra rassurer ou mettre des mots et de la tendresse, sur le mal-être, la révolte, ou l'inconfort des jeunes lecteurs et lectrices. Pour moi, la période de métamorphose de l’adolescence est un terrain fabuleusement fertile, mais je me sens aussi le devoir de choisir pour mes lecteurs, la lumière et l’espoir, de créer pour eux quelque chose de beau, y compris avec mes propres souvenirs qui ne sont pas toujours heureux. 

Évidemment, écrire ce roman est aussi un moyen de me réconcilier avec ma propre adolescence. C’était une expérience forte, où je me suis parfois sentie dans la peau d’Angèle." 

 

Une autrice ou un auteur jeunesse invité sur un plateau de télévision à une heure de grande écoute ou encore président(e) d'un salon du livre, ça en jetterait non ?

 

Marie Le Cuziat: "J’en vois de plus en plus ! Et ça en jette, oui ! La littérature émeut, bouscule, renverse, apprend ; permet le rêve, l’évasion ou l’espoir. Elle est importante dans nos vies.

 

J’aime me réjouir de tout ce qui se fait déjà, et j’admire ceux et celles qui s’engagent pour tout ce qu’il y a encore à faire. Le pouvoir du collectif m’impressionne. Je pense notamment aux actions de la charte des auteurs et illustrateurs, qui accompagne et défend les auteurs et autrices, et qui m’ont beaucoup aidée dans mon propre parcours.

 

Mais je sais aussi que moi, comme beaucoup d’auteurs ou créateurs, avons du mal à jongler entre le souhait profond de transmettre et faire connaître notre travail au plus grand nombre, enfants ou adolescents, et la notoriété personnelle que cela implique. Je suis une personne pudique, qui préfère les petits comités aux grands. Et je suis fière de pouvoir revendiquer cette sensibilité dans mes livres."

 

Un Printemps de Marie Le Cuziat, Milan, 2023

Notre chronique

 

Date de dernière mise à jour : 16/05/2023

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